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(回答先: イラク人質:解放された仏記者がフィガロ紙上で体験談 【mainichi-msn】 投稿者 木田貴常 日時 2004 年 12 月 26 日 01:09:32)
Christian Chesnot (à gauche) et Georges Malbrunot, lors d’un enregistrement vidéo diffusé le 30 août. Ils ont été, pendant 124 jours, otages de l’Armée islamique en Irak.
D. R.
全くフランス語が読めませんが・・・
http://www.lefigaro.fr/magazine/20041224.MAG0004.html
L'histoire secrète d'une libération
Par Jean-Marie Montali, Sylvie Pierre-Brossolette, Bruno Seznec, avec Roland Jacquard, Cyril Hofstein, Martine Betti-Cusso, Aziz Zemouri, Gilles Denis, Dominique Rizet et Atmane Tazaghart
[24 décembre 2004]
C'est le vendredi 20 août, jour de grande prière. Les deux journalistes Georges Malbrunot, Christian Chesnot et leur chauffeur syrien Mohammed al-Joundi sont sur la route de Nadjaf, dans la zone de Hillal. Une route qu'ils connaissent bien. Soudain, devant eux, un barrage et des hommes en armes. Ils n'opposent pas de résistance. On leur bande les yeux, on leur lie les poignets et on les jette immédiatement sans ménagement dans des coffres de voitures. Enlevés. Après un court trajet, les trois otages sont conduits dans une maison entourée d'un verger.
Ils y restent trois jours. Et c'est à ce moment que les trois captifs changent de ravisseurs et passent cette fois entre les mains de l'Armée islamique en Irak.
«Des hommes sont venus nous filmer, se souvient le chauffeur syrien. Ils nous ont traités de manière très amicale. Nous avons récupéré les montres, les passeports, les livres et aussi le matériel professionnel que l'on nous avait pris. Ils nous ont assuré que nous pourrions être libérés dans un ou deux jours. Ils ont aussi promis de nous transférer dans une "pièce trois étoiles".»
Il poursuit : «Nous avons été soulagés lorsque nous nous sommes rendu compte que nous étions détenus par un groupe aux motivations politiques. Nous avons compris que ce n'était pas des extrémistes qui nous feraient du mal sans raison. Il s'agit pour moi d'un mouvement de résistance nationale à des forces d'occupation.»
Il est vrai que, ancien membre du parti Baas, Al-Joundi a toujours semblé plutôt bienveillant à l'égard de l'Armée islamique en Irak. Une armée (voir encadré) qui a pourtant exécuté le journaliste italien Enzo Baldoni, enlevé sur la même route un jour plus tôt.
Coupés de toutes informations extérieures, les otages ignorent heureusement le sort tragique réservé au reporter italien. Leurs gardiens se dissimulent sous des cagoules. Ils les séquestrent dans des pièces hermétiquement fermées, sans air conditionné, malgré une chaleur torride. La nourriture est fruste et réduite au strict minimum. Les otages ne verront jamais leurs visages. Ils essaient de leur parler, mais, à chaque fois, les gardiens refusent obstinément toute conversation.
Durant les premiers jours de leur détention, des contacts sont établis entre des représentants de la «résistance» sunnite et des membres du commando. Ils en rendent compte immédiatement aux autorités françaises. Ils affirmeront, par la suite, avoir pu entrer en relation avec les otages jusqu'au jour où de brusques dissensions à l'intérieur du groupe leur ferment toutes les portes. Mais, aussitôt que les terroristes réclament la suppression de la loi sur les signes religieux ostentatoires, Jacques Chirac prend son téléphone et appelle l'émir du Qatar pour lui demander de «raisonner» l'un des prédicateurs vedettes de la télévision al-Jazira. En effet, Cheikh Youssouf al-Karadawi menait déjà depuis quelque temps une virulente campagne contre la France sur son site internet, islam-online, et sur la chaîne qatari. Il s'agissait non seulement pour Paris d'obtenir un revirement de cheikh Youssouf al-Karadawi mais aussi de faire en sorte qu'il dénonce l'enlèvement des deux journalistes français et qu'il déclare que leur détention desservait les intérêts des musulmans en général et en France en particulier. Jacques Chirac et l'émir ont été si convaincants que le prédicateur a même lancé un appel aux ravisseurs pour leur demander la libération des otages.
Seulement, au même moment, les Américains et le gouvernement irakien d'Iyad Allaoui mènent une opération d'envergure contre le triangle sunnite où se trouvent les otages. L'opération qui se soldera par des centaines d'arrestations accentue la paranoïa des terroristes. Désormais ils voient dans toutes les personnes qui les approchent des espions au service des Américains. C'est à ce moment-là, le 4 septembre, que le numéro deux du commandement central américain, le général Lance Smith, déclare : «Les Français ont négocié de leur côté, mais la coalition les a aidés en essayant de faire en sorte qu'ils s'adressent aux interlocuteurs adéquats»... Curieuse aide en vérité qui, dans les circonstances, s'apparente davantage au baiser du lépreux.
Mais la crise des otages français crée aussi des turbulences entre Paris et Bagdad. Sur le terrain, les rapports se tendent de plus en plus. De toutes les clés utilisées par la France pour tenter d'obtenir la libération des deux journalistes enlevés par un groupe extrémiste, celles qui ouvrent les palais officiels de Bagdad ont le moins bien fonctionné. Il faut dire que le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, qui a séjourné et voyagé de capitale en capitale au Proche-Orient pour réclamer la libération des otages, s'est abstenu de se rendre à... Bagdad. La volonté des autorités proaméricaines de se maintenir à l'écart des efforts menés par la France ne témoigne-t-elle pas sur place de la méfiance qui existe vis-à-vis de Paris ? Mais cette libération qui semble n'en plus finir tient aussi à la volonté des diplomates français - et de leur plus haute hiérarchie - d'éviter des démarches qui pourraient être «contre-productives». La froideur - «plus réelle qu'apparente», résume alors un fin connaisseur du Proche-Orient - est réciproque.
On pourrait penser que la France et l'Irak ont les mêmes intérêts dans cette affaire. Les groupes rebelles prennent des otages pour saper l'autorité du Premier ministre intérimaire Iyad Allaoui et de son gouvernement. Bagdad et Paris pourraient donc se sentir sur le même bateau contre les ravisseurs... Il n'en est rien ! A cause des rancoeurs (récentes) qui datent de la «campagne» menée par la France devant le Conseil de sécurité de l'ONU contre la guerre en Irak.
Sur ses terres, qu'il a conquises grâce aux Américains, Iyad Allaoui exprime sa frustration, non sans brutalité. Dans le quotidien qui lui appartient, un éditorial au vitriol est publié le 2 septembre contre la politique de Jacques Chirac. Le président français est accusé de «porter une part de responsabilité» dans l'enlèvement de Georges Malbrunot et Christian Chesnot. Sans craindre de bafouer la vérité, le journal Bagdad affirme que Chirac se serait «opposé à toutes les résolutions internationales dont l'objectif était d'apporter la sécurité aux Irakiens». La France a pourtant voté les dernières résolutions de l'ONU concernant l'Irak.
Le Premier ministre irakien lui-même affirme que l'enlèvement des deux journalistes prouve l'échec de la politique antiterroriste de la France. «Ceux qui ne combattent pas avec nous se retrouveront bientôt avec des terroristes chez eux, déclare-t-il. Les Français se faisaient des illusions s'ils espéraient rester en dehors de tout ça...»
La ficelle visant à attirer la France dans la coalition anglo-américaine organisée par le président George W. Bush est un peu trop grosse. Dix jours après l'enlèvement des deux journalistes français et de leur chauffeur, Paris dénonce les propos d'Allaoui, en estimant qu'ils «ne sont pas acceptables». En fait, les responsables français «n'acceptent pas» que leur détermination dans la lutte contre le terrorisme soit mise en doute. Surtout, ils excluent que la crise des otages les conduise à infléchir leur politique en Irak. Bien au contraire : l'observation du chaos qui grandit les conforte dans l'idée que, pour l'Irak, la solution ne peut être que politique et non pas militaire.
Quand Falloudja, bastion sunnite, est assiégée par l'armée américaine, le chauffeur Al-Joundi, séparé des deux journalistes français, est déplacé à six reprises d'une maison à l'autre. Abandonné par ses gardiens pendant la chute de la ville rebelle, il est découvert le 12 novembre par les forces américaines. «Je suis resté avec eux une semaine en ville, puis à la prison-hôpital et finalement dans le camp militaire de Falloudja où j'ai été interrogé pendant deux heures. Ils ne m'ont pas proposé d'aide médicale et ne semblaient d'ailleurs pas particulièrement préoccupés par le sort des journalistes français. Je ne comprends pas pourquoi ils ont pris autant de temps pour en fin de compte me relâcher dans la nature avec une centaine de prisonniers irakiens.»
Arrivé à Paris avec sa famille, Mohammed al-Joundi est longuement débriefé par la DGSE, les services de renseignement français. Fatigué et amaigri, il apparaît confiant. «J'ai l'impression que leur situation n'est pas mauvaise et que nous pouvons espérer les revoir bientôt», estime-t-il. Et de lancer «un appel pour la libération des deux journalistes français, qui sont des amis du peuple irakien et qui ont travaillé comme s'ils étaient irakiens en Irak.»
La veille de la libération d'Al-Joundi, un autre événement allait peut-être avoir lui aussi des conséquences sur le sort des otages. Dans l'aube grise du 11 novembre, Yasser Arafat, le président de l'Autorité palestinienne, mourait à Paris où il avait été hospitalisé quelques jours plus tôt, et sa dépouille recevait un hommage habituellement réservé aux chefs d'Etat. Un signe d'autant plus apprécié dans le monde arabe que le président français s'était à deux reprises rendu au chevet du vieux leader palestinien. Or les services de renseignement français, aidés par leurs homologues jordaniens et égyptiens, ont découvert que l'Armée islamique en Irak comportait aussi un courant palestinien issu du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). On peut donc supposer que l'accueil réservé par la France à Arafat n'a pas nui au sort réservé aux otages.
Le 26 novembre, en marge du sommet de la Francophonie à Ouagadougou, Jacques Chirac salue les familles de Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Le président de la République affirme ce jour-là que «la dignité de leur comportement a été la meilleure garantie de les voir revenir». Aussitôt la rumeur court les milieux dits informés que le président de la République dispose de nouveaux éléments. Jacques Chirac est en effet toujours économe de mots dès qu'il s'agit de la vie d'otages ou de ressortissants français en difficulté, où que ce soit. Pourquoi parle-t-il ainsi ? Quels sont alors ces fameux éléments que croient déceler les «chiracologues» ? Ils reposent sur la certitude du chef de l'Etat que le fil (ténu) de la négociation avec l'Armée islamique n'a pas été rompu, malgré l'équipée et les va-et-vient du député Didier Julia.
Pourtant, longtemps, l'Elysée en a douté. Mais ce 26 novembre, trois hommes viennent d'affirmer au chef de l'Etat que «le contact est rétabli» avec le commando de l'Armée islamique en Irak qui détient les otages depuis déjà trois mois. Jacques Chirac les a eus, l'un après l'autre, au téléphone. Il s'agit de Pierre Vimont, le directeur de cabinet de Michel Barnier au ministère des Affaires étrangères ; du général Jean-Louis Georgelin, son chef d'état-major particulier basé à l'Elysée ; et de Pierre Brochand, le patron de la DGSE, le service des renseignements extérieurs qui dispose d'agents sur le terrain. A leurs informations et analyses viennent s'ajouter les comptes rendus de l'ambassadeur de France à Amman en Jordanie, Bernard Emié, en charge de la cellule de crise installée dans la région pour tenter de résoudre la prise des otages. Evidemment, des tensions entre services ou prérogatives n'ont cessé d'apparaître depuis le mois d'août, et après les espoirs déçus. Jacques Chirac, en personne, y a mis le holà. Quitte à rabrouer quelques-uns de ses proches collaborateurs...
En ce 26 novembre, donc, si le président de la République salue «la dignité des familles des otages», c'est parce qu'il sait qu'elle est utile.
Mais les jours et les semaines passent. Le 16 décembre, lors du dernier sommet européen (dont la vedette était la Turquie), le Premier ministre britannique Tony Blair évoque brièvement en aparté la question des otages avec Jacques Chirac. La Grande-Bretagne et la France sont en effet celles qui, sur le sol irakien et sans s'en vanter, disposent d'un réseau de «renseignement humain», comme on dit à la DGSE. Autrement dit : le commando de l'Armée islamique, qui détient Chesnot et Malbrunot, est localisé, identifié, approché. Et à Paris comme à Londres (qui a payé un lourd tribut avec la mort de trois otages), on considère que c'est une bonne nouvelle. D'ailleurs Blair croit à une issue favorable, confie-t-il à Chirac. Avant Noël ?
Personne n'en sait alors rien. D'ailleurs, Jacques Chirac, qui, le 21 décembre, vient de présider un Conseil des ministres inhabituellement réuni un mardi, a décidé de s'envoler pour le Maroc, où il a prévu de passer les fêtes de Noël, avant de revenir, dix jours plus tard, pour présenter ses voeux à la nation. C'est dans l'avion qui devait atterrir quelques minutes plus tard à Marrakech que le chef de l'Etat apprend «le truc génial», selon la formule enthousiaste et spontanée d'un de ses conseillers. La décision est immédiate : retour à Paris.
Il est 16 heures quand le téléphone crypté sonne dans la voiture de Jean-Pierre Raffarin, qui va de l'Assemblée nationale au Sénat. Son directeur de cabinet, Michel Boyon, est en ligne et lui annonce en termes codés la libération des otages français : «La nouvelle que nous attendions est arrivée...» Déjà, à l'heure du déjeuner, alors que le Premier ministre relisait son discours pour le débat sur la Turquie, son directeur de cabinet n'a-t-il pas interrompu sa solitude devant son plateau-repas pour lui annoncer : «Nous entrons dans une zone de forte intensité de contact» ? Ce qui signifie que l'optimisme était de mise.
Au Sénat, Raffarin prend à part Michel Barnier : «Attendons encore d'en savoir plus.» Puis tombe la dépêche de l'AFP. Le Premier ministre sort de la séance pour téléphoner encore, malgré la récrimination d'un orateur UDF qui s'agace de son absence. «Sans doute, vous ne vous intéressez pas à mes propos...», lance le sénateur Mercier. Les informations se confirment. A 17 h 50 précisément, le Premier ministre, revenu dans l'hémicycle, prend la parole. La rumeur s'est déjà faufilée. Aussi, quand il annonce qu'il a «la joie de...», tous les élus se lèvent et applaudissent. En quittant le Sénat, Raffarin prévient le premier secrétaire du PS, François Hollande. Rentré à Matignon, il prend contact avec le Président. Le plan est déjà prêt, et la répartition des rôles, prévue de longue date : Michel Barnier partira à la rencontre des ex-otages, Jean-Pierre Raffarin les accueillera à Villacoublay, le chef de l'Etat s'exprimera dès que l'on saura les otages en sécurité dans l'avion qui les ramène en France. Puis le Premier ministre réunira les chefs de parti, avant de recevoir les directeurs des rédactions de Chesnot et Malbrunot.
Ouf ! En cette soirée d'un jour qui marque la vie d'un responsable politique, Raffarin est heureux, mais vidé. Il raconte son long combat pour parvenir au dénouement salué par tous. Quatre mois pendant lesquels il a tenu ferme sur la ligne choisie pour récupérer les deux journalistes français : utiliser la voie diplomatique classique, avec l'aide des «services» sur le terrain. Depuis l'enlèvement de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot, Matignon coordonne les opérations. Une cellule de crise, composée de Michel Boyon, Pierre Vimont, directeur de cabinet de Michel Barnier, Pierre Brochand, le patron de la DGSE, et du général Georgelin, se réunit tous les trois jours dans le bureau du directeur de cabinet du Premier ministre. Parfois tard dans la nuit. Leur travail a consisté à évaluer les informations qui parvenaient irrégulièrement du terrain et d'interlocuteurs plus ou moins fiables.
Raffarin se souvient de ces mois passés à tenter de réunir des preuves. «Au début, nous avons eu des contacts avec des religieux qui nous ont assuré que la vie des otages n'était pas menacée», confie-t-il, en ajoutant : «Ils nous avaient prévenus que ce serait très long.» Les cassettes et les cédéroms arrivent. A chaque fois, il fallait huit jours pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas de faux. Impossible de rassurer les familles avant vérification. «Dix pour cent seulement des contacts étaient crédibles», affirme Raffarin. Après l'«affaire Julia», il a fallu renouer un lien de confiance avec des interlocuteurs toujours aussi peu palpables : «Jamais nous n'avons eu de contacts directs.» Le comble, c'est qu'il fallait en même temps rassurer les ravisseurs sur leur sécurité. Mais depuis trois semaines, l'espoir se précisait. Ils ne demandaient rien : «Aucune revendication n'était formulée», affirme Raffarin, qui se demandait quel allait être le scénario de sortie des otages. La dernière semaine, l'interlocuteur était toujours le même. Un bon signe. Sans doute une faction, la moins virulente, avait-elle gagné sur l'autre, plus intraitable. Les dernières «preuves» sont arrivées le 17 décembre. Les autorités françaises ont répété pour la énième fois leur amitié pour l'Irak. C'est finalement ce qu'a choisi de mettre en avant l'Armée islamique en Irak : «Son communiqué est finalement un coup de chapeau à la politique française en Irak.»
Il est 21 heures. Michel Barnier arrive à Matignon pour régler les derniers détails du lendemain. Il part au petit matin chercher les otages : «On a été très sereins, déclare-t-il. En quatre mois, j'ai employé quatre mots : patience, discrétion, précaution, confiance. Même si l'on a moqué notre... inefficacité.»