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Trois Japonais ont passé 75 jours en prison pour avoir distribué des tracts antiguerre
LE MONDE | 15.06.04 | 14h50
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Tachikawa de notre envoyé spécial
Aux murs du petit bureau d'où l'on aperçoit la piste de la base militaire, des photographies rappellent que ce petit mouvement pacifiste fut dans les années 1970 une organisation de masse : "le village de tentes" était à l'époque une fédération de mouvements d'opposition à la base militaire de la ville de Tachikawa (grande banlieue ouest de Tokyo), qui venait d'être rétrocédée au Japon par les Américains.
Dirigé par Katsuko Kato, ancienne étudiante à la prestigieuse université de Tokyo, qui, à 75 ans aujourd'hui, n'a rien perdu de sa fougue du temps des grandes luttes contre la guerre du Vietnam, le petit mouvement continue à faire campagne contre la présence de l'armée japonaise et les nouvelles missions qui lui sont confiées.
Le 17 janvier, trois de ses militants - un employé municipal âgé d'une quarantaine d'années, une aide-soignante chanteuse de blues à ses heures et un collègue de celle-ci, tous deux dans la trentaine - avaient déposé des tracts antiguerre ("Non au déploiement en Irak ! Faites entendre vos voix !") dans les boîtes aux lettres des logements collectifs des familles des soldats de la base.
Un mois plus tard, ils étaient arrêtés, leurs logements perquisitionnés, leurs comptes bancaires bloqués, leurs ordinateurs et téléphones mobiles saisis. Avant d'être inculpés de violation d'un espace privé - en fait, un complexe de logements ouvert aux visiteurs ou aux livreurs sans la moindre surveillance. Pour leur "forfait", ils risquent trois ans de prison.
A la demande du parquet, leur détention provisoire fut reconduite et ce n'est qu'à l'ouverture de leur procès, le 6 mai, que le juge décida qu'ils pouvaient être relâchés sous caution. Le parquet ayant fait appel, il leur fallut attendre la décision de la juridiction supérieure pour être libérés sous caution (1,5 million de yens), après 75 jours de détention.
"PENSÉES DANGEREUSES"?
"Est-il acceptable de réprimer ainsi la liberté d'expression ?", s'interroge le quotidien Asahi Shimbundans un éditorial. Pour la première fois dans le cas du Japon, Amnesty International a qualifié les trois militants arrêtés de "prisonniers de conscience" et leur détention de violation de la liberté d'expression garantie par la Constitution.
L'action contre les trois pacifistes a été conduite par la division de sécurité publique de la police métropolitaine de Tokyo (l'équivalent des renseignements généraux). Selon le plus âgé du groupe, "le délai entre l'"infraction" et l'arrestation s'explique par le raidissement du gouvernement : février était l'époque à laquelle les troupes partaient pour l'Irak, et il a voulu donner le signal qu'aucune opposition ne serait tolérée". "C'est la première fois que des distributeurs de tracts sont arrêtés au Japon", poursuit-il.
Assurément une démocratie, le Japon est-il en train de perdre l'une des caractéristiques d'une société libérale : le droit à exprimer son désaccord par des moyens pacifiques ? Les tracts ne sont pas des bombes - à moins de considérer qu'ils véhiculent des "pensées dangereuses", selon l'expression en cours avant-guerre...
Philippe Pons
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.06.04